des femmes et des retraites

Dans les manifestations d’hier et dans les reportages qui en ont rendu compte, les femmes étaient au premier plan.
Motif : du fait de carrières interrompues ou courtes elles sont pleinement concernées par le passage de 65 à 67 ans pour l’âge limite de retraite à taux plein. Point positif, on parle enfin de ce seuil là et pas seulement des mythiques 60 ans. Mais cette focalisation sur les femmes me gêne un peu. D’abord parce le problème des 67 ans ne concerne pas spécifiquement les femmes mais tous ceux et celles qui ont fait des études supérieures et ont commencé à travailler après l’âge de 23 ans, c’est-à-dire de plus en plus de gens, avec l’allongement de la durée des études. Ensuite parce que le problème de l’inégalité des retraites entre hommes et femmes n’est pas un problème de retraites mais d’inégalité en amont dans le monde du travail. Le système de retraites n’y est pour rien. Doit-il pour autant servir de système de compensation, comme c’était le cas à une époque pour le chômage, avec le recours aux pré-retraites ?

Comme le rappelait en 2009 une étude de l’INED (1) sur le sujet :

« l’activité féminine se distingue de celle des hommes par une moindre participation au marché du travail, une fréquence accrue du temps partiel et un niveau de rémunération plus faible. […] les écarts de salaire, aux causes multiples – temps de travail, ségrégation professionnelle, carrières interrompues – demeurent et se répercuteront donc in fine sur les droits à retraite. […] Si la montée de l’activité féminine donne l’impression qu’on s’éloigne du modèle  traditionnel de « l’homme gagne-pain », la répartition des tâches domestiques au sein du couple demeure largement inégalitaire. Les carrières professionnelles des femmes en restent affectées, tant en termes de type d’emploi, de durée du travail que de niveau de rémunération. »

Les femmes ont accédé au monde du travail mais de façon incomplète ou inégalitaire parce qu’elles ont gardé une bonne partie de leur rôle traditionnel. Et ceci est d’autant plus dommageable qu’avec les divorces elles sont de moins en moins nombreuses à bénéficier des pensions de réversion qui dans le système – traditionnel justement – venait compenser leurs fonctions domestiques. Ainsi, en France, en 2004, la pension moyenne de retraite de droit propre de l’ensemble des retraitées était égale à 48% de celle des hommes, 72% si l’on ajoutait la pension de réversion (1).

Bref les femmes ont perdu le beurre et l’argent du beurre. Faut-il pour autant inventer un nouveau système de compensation ? Ou passer au stade suivant en luttant efficacement contre l’inégalité dans le monde du travail ?

En fait des mécanismes de compensation existent déjà : les mères salariées du secteur privé ont droit à une majoration de durée d’assurance de deux ans par enfant, qu’elles aient ou non interrompu leur activité.
Certains proposent de maintenir l’âge de 65 ans pour les mères de trois enfants, mais cela ressemble plus à une mesure nataliste. La Halde propose de tenir compte du congé parental pour les parents, comme c’est déjà le cas pour les fonctionnaires, ce qui aurait le mérite de ne pas être réservé aux femmes.

Il me semble que seules les périodes de grossesse et d’allaitement – qui sont spécifiques – peuvent être compensées dans le cadre d’un système de retraite. Pour le reste, il vaut mieux lutter contre les inégalités en amont, plutôt que de les entériner en les compensant. Même si ce n’est pas facile et si certains se gaussent.

(1) INED, Populations et sociétés n° 453, février 2009 : « Comment corriger les inégalités de retraite entre hommes et femmes ? L’expérience de cinq pays européens. »

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Publié le 24 septembre 2010, dans politique et société, et tagué , , . Bookmarquez ce permalien. 9 Commentaires.

  1. tu as raison lorsque tu dis qu’il faut traiter le problème d’inégalité pendant la carrière, c’est la source de l’inégalité des retraites entre hommes et femmes.

  2. Oui, prendre le mal à la racine.

  3. je suis d’accord avec toi, et les périodes de maternité sont deja prises en compte puisqu’elles valident des trimestres (et les 8 trim sont en plus)

  4. Et comme tu le dis ailleurs (http://fr.news.yahoo.com/blogs/politicia/pourquoi-devons-nous-prendre-notre-retraite-aprs-avoir-travaill–p974.html) c’est une façon de voir les choses par le « petit bout de la lorgnette » qui prive d’une réflexion sur la place du travail et au-delà sur l’emploi en général dans un monde globalisé…

  5. 60 ans et pas un jour de plus !

    Pourquoi la retraite à 60 ans et pas un jour, pas une heure et pas une seconde de plus?
    Parce que nous en avons assez d’être absorbés par l’appât du gain et nos abominables faims…
    Parce que nous sommes des affairés, pauvres ou appauvris qui ne seront jamais tirés d’affaire…
    Nos corps vivent peut-être un peu plus longtemps mais nos âmes meurent souvent prématurément …
    Que de temps perdu pour gagner du temps ! Le nôtre pour le vôtre…
    Que de bonheur en moins pour quelques euros de plus !
    La retraite, pour nous, ça ne veut pas dire se retirer sur la pointe des pieds pour ne pas effrayer les nouveaux patients qui vont passer sur la table d’opération… non et non !
    Nous ne sommes pas des mendiants qui réclamons un peu plus de signes d’affection… non et non !
    Nous ne demandons pas plus de temps, pour se reposer après un effort insensé ou pour déposer les armes après une bataille remportée… non et non !
    Mais… pour lire… lire… et lire.
    Il y a tellement de beaux livres à lire, d’auteurs à découvrir et de leçons à retenir… pour apprendre à mourir.
    La retraite à 60 ans pour lire tout Molière, tout Flaubert, tout Baudelaire.
    Et mourir en se disant : non, et non… je n’ai pas fini …
    Je vous entends ricaner : Et qui va financer ce manque à gagner ?
    C’est ça la question ?

    http://www.tueursnet.com/index.php?journal=Balle%20de%2060%20ans

  6. je ne partage pas forcément « tout » ce que tu as écrit (le sujet est compliqué de toutes façons, disons qu’idéalement moi aussi je trouve que tout ça encourage les rôles tradi et que couper avec tout ça serait un moyen de « forcer » à passer à autre chose, sauf qu’en réalité et non idéalement, je pense que ça risque de ne rien changer, de faire encore pire pour les femmes, et pour celles qui ont déjà 40-50 ans ce serait les mettre dans la misère),
    mais je suis +++ d’accord avec toi sur le caractère nataliste des « mères de plus de 3 enfants » ! ça va encore créer des clivages et cela risque de renforcer la barrière entre les mères de 1 ou 2 enfants qui peuvent encore travailler et l’idée qu’avec un 3e c’est terminé, fini, faut rentrer maison 😦

  7. Le sujet n’est pas si compliqué que ça. Mais on mélange tous les sujets…

    Et en effet je ne comprends pas le maintien de politiques natalistes.

  8. La mondialistation a entraîné le malaise général que nous connaissons. Les délocalisations ont provoqué le chômage et exacerbé le problème des retraites.
    Avant d’attaquer les conséquences, pourquoi ne pas tenter de résoudre les causes ?
    Quel bourbier !

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