quand le clito s’affiche il fait fureur

clitorisL’affiche de la campagne Osez le clito ! est efficace : elle fait parler d’elle ! Elle déclenche même des réactions violentes, preuve qu’elle touche à quelque chose d’important.
Beaucoup de femmes – surtout des femmes d’ailleurs – se déchaînent contre cette affiche. Il suffit de suivre le fil #osezleclito sur Twitter pour s’en rendre compte : « cette affiche de merde », « c’est laid et mal dessiné »… Certaines confessent même un profond malaise. Bref l’affiche ne plait pas beaucoup, même aux spécialistes, même à celles qui soutiennent cette campagne.

Cette affiche est une affiche basique, en noir et rouge, signe d’une volonté de faire peu onéreux (assez logique pour une association qui n’a sans doute pas les moyens de se payer une agence de pub), simple et direct en montrant le coeur du sujet : le dessin simplifié d’un entre-jambe inspiré d’un tableau de Courbet, auquel s’ajoute un clitoris façon planche anatomique, inspiré d’une image 3D, déjà présentée dans le film documentaire d’une urologue australienne…

sexe

Courbet - L'origine du monde

Il ne s’agissait manifestement pas de faire dans l’esthétique et le glamour pour s’immiscer dans ELLE, mais de faire simple et brut pour être collé sur les murs !

Concorde

Quand j’ai vu pour la 1ère fois cette affiche, cela m’a fait sourire et j’ai tout de suite pensé au Concorde plutôt qu’à une pieuvre… Bien sûr, si elles avaient voulu faire dans la métaphore poétique et raffinée, elles auraient choisi une orchidée, mais cela aurait été trop allusif, pas assez clair. Le but de cette affiche étant sans doute de populariser cette image 3D (externe/interne) du clitoris, assez peu répandu dans les planches traditionnelles.

Orchidée

Dans les critiques, certaines vont plus loin et remettent en cause le bien fondé de cette campagne. Les arguments tournent en gros autour de quelques axes : le coté réducteur de cette campagne qui se focalise sur un organe et/ou sur la sexualité, en oubliant les luttes politiques importantes (égalité salariale, représentation politique, violences…) et le coté inutile car tout le monde – et notamment les femmes – sauraient tout sur le sujet depuis longtemps dans un domaine privé qui devrait le rester. Bref,  faut pas parler de ça et puis ça sert à rien…

Quelques hommes se risquent à la critique mais sur la pointe de pieds, en citant des copines « agacées » comme pour se dédouaner, de peur sans doute de se faire traiter de macho. Le plus drôle et le plus franc c’est Vinvin : « Pourquoi les hommes ne s’attardent pas sur le clitoris ? Je vais vous le dire, il y a deux raisons majeures. La première c’est qu’on n’y comprend rien. […] La deuxième raison, c’est que nous, le clitoris, ça nous fait rien du tout. On n’a jamais vu un homme prendre du plaisir à tripoter un clitoris. » Ce qui lui a valu un commentaire du même acabit : « Un peu comme tout les pénis sont pas foutus pareil… Un peu comme une fille la fellation ça lui fait rien quoi ».

Mais les critiques les plus virulentes et acerbes se trouvent chez des femmes… féministes… de gauche : Aliocha qui traitent les organisatrice de « connes » ou Circé, qui – par un retournement de sens dont seuls les gauchistes ont le secret dès qu’il s’agit d’attaquer des gens qui ne font pas ce qu’eux voudraient qu’ils fassent – accuse cette campagne de renvoyer « à celles inflationnistes (fellationnistes?) de l’utilisation des corps à des fins marchandes » et de « ramener les femmes au foyer qu’elles ont entre les cuisses ».

Que dire face à de tels déchainements ? Parler d’un sujet n’enlève rien aux autres sujets, et chez Olympe ou ailleurs les articles sur les luttes politiques ne manquent pas. Quant à l’argument du « on sait déjà tout sur le sujet », l’origine même de cette campagne vient le mettre à mal : c’est en sortant de l’exposition le « Zizi sexuel » à la Cité des Sciences, exposition dont le clitoris était absent, que Caroline de Haas en a eu l’idée…

« Pourquoi cette campagne ? Cette campagne est partie d’un constat : en matière de sexualités, l’égalité femmes – hommes reste à construire et l’intimité reste un lieu de pouvoir masculin. Qu’il s’agisse de livres scolaires ou médicaux, d’expositions, de littérature ou tout simplement de rapports humains, le clitoris est très souvent oublié, considéré comme mineur ou cantonné aux préliminaires. »

Ce sujet là est sans doute moins secondaire et anodin qu’il en a l’air, car il touche aux fondements de la domination masculine ou de la société patriarcale ; ce n’est pas un hasard si, ici ou là, aujourd’hui ou hier, des sociétés ont pratiqué l’excision… ou l’oubli qui est une forme d’excision mentale… Sur le site de la campagne, outre quelques dessins et la mise en cause d’idées reçues, on trouve un petit historique intéressant assorti d’une bibliographie. A farfouiller donc.

Finalement, ce sont deux hommes qui ont le mieux compris cette campagne, Vogelsong qui a vu dans l’affiche un « idéogramme en forme de maison au centre du monde » et Patrick Jean qu’on ne présente plus :

« S’il est une partie du corps de l’être humain qui est politique, c’est bien celle-là. On sait aujourd’hui en effet que le clitoris est l’instrument essentiel (pour ne pas dire presque unique) du plaisir sexuel féminin. L’hypothèse la plus en vogue chez les spécialistes précise même qu’un orgasme féminin survenant lors d’une pénétration vaginale serait d’origine clitoridienne. Là aussi, Freud s’était bien trompé.

L’éducation sexuelle des enfants leur fait découvrir que le petit garçon se différencie des filles par un petit plus bien visible: un petit oiseau, un robinet, un zizi. La fille elle en est privée et l’enfant découvre même qu’elle est porteuse d’un vide, d’un manque, d’un trou. Or, pour être exact, il faudrait leur apprendre  que la petite fille, loin d’être moins bien pourvue, est porteuse d’un organe ne servant qu’au plaisir et à rien d’autre. Alors que le petit garçon doit se contenter d’un organe couteau-suisse qui sert à uriner, se reproduire et avoir du plaisir…

Il suffit de discuter avec des parents pour se rendre compte à quel point le clitoris est un tabou immense. Même dans les milieux les plus libérés, officiellement. […] Le professeur Foldès (célèbre urologue spécialiste de la réparation clitoridienne) parle d’excision symbolique quand il fait voir des planches anatomiques où le clitoris a disparu. Il m’a un jour montré sur le site internet de l’OMS […] le nombre d’occurrences dans la base de données pour les mots verge et clitoris. Des milliers pour le premier et aucune pour le second… »

Comme quoi finalement Osez le féminisme a mis dans le mille avec cette campagne.

Publié le 28 juin 2011, dans BEST OF, images, politique et société, et tagué , , , . Bookmarquez ce permalien. 15 Commentaires.

  1. J’ai emmené ma maman, médecin (retraitée) , 85 ans voir les monologues du vagin. Rappelons nous qu’il s’agit un peu de la même problématique puisque le mot vagin est aussi mal ressenti que clito. D’ailleurs, beaucoup de comédiennes hésitent à jouer ce texte…jusqu’au moment où elles ont vu la pièce. Il y a toute une organisation autour et on pourrait peut-être envisager un MDB pour le jouer à notre tour…
    http://paris-mcr.fr/lesmonologuesduvagin/v-day/contacts/
    C’est un peu « américain » pour nous, mais bon….

  2. Que veux-tu dire exactement par « le jouer à notre tour » ?

  3. Cette affiche m’a fait sourire dans un premier temps et m’a émerveillée ensuite. A 64 ans je découvre la géographie de « mon » clitoris. Et ça je trouve ça bien ….. cela me donne envie d’aller encore plus loin dans la vie … si je peux encore découvrir des choses alors qu’elles sont miennes depuis tant d’années …… alors bravo à Osez le féminisme et bravo à ce post.

  4. Merci.

  5. Hello

    J’ai 30 ans et je love mon clito.
    Enfin ce que je veux dire c’est que je sais me stimuler seule.
    Quand on en parle on a l’impression d’être pervers ou malsaine pourtant la » branlette » chez un homme est normale?…
    On a l’impression que lorsque l’on demande de nous caresser dans cette zone pour eux c’est le Pérou ou tout du moins un triangle des Bermudes (sans jeu de mot pour la forme du vagin vous imaginez bien).
    Le vagin s’est l’éco-système de notre corps, si il fonctionne bien, on est bien.
    C’est notre dosimétre d’Endorphine, hormone libéré pendant la jouissance (à savoir qui nous aide aussi à éliminer des calories et à un effet contre les rides).
    Donc pour résumer , les filles « chatouiller  » votre « minou » apprenez le Béaba du plaisir sexuel solo ou duo.
    C’est le bouton power du jeu Playsex.
    BIZzzzzzzzzzzzzZZZZZZZzz

  6. super billet !!! et j’adore la comparaison avec le Concorde ;)))

  7. Coucou Luciamel

    Est ce pour moi ce compliment? Bonne day

  8. Je crois que Luciamel parle de mon billet pas du commentaire… 😉

  9. @polluxe @salomé : en fait… je parlais du Concorde !!! 😉 et je profite de l’occasion, pour te féliciter @polluxe une fois encore pour ton billet 😉

  10. Coucou

    Ah bin oui, je m’en doutais lol mais le droit d’esperance m’envahissait , me tenait en haleine jusqu’à ma chute lol .

    Good day

  11. Très bon billet, bravo! Moi, j’aime bien l’image d’une huître également :))) j’adore les huîtres!

  12. La première fois que j’ai vu la campagne, oui je me suis sentie mal à l’aise. Pudeur mal ou bien placée ? Je l’ignore. Il m’a fallu du temps pour me rendre compte que vous tapiez dans le mille. Merci pour votre courage 🙂

  13. C’est bizarre qu’en France, bastion de l’amour par cliches aux yeux du monde, que l’on se sente froisse lorsque le sujet du clito est etale pour tous d’etre evalue a sa juste valeur.
    Il est plus aise d’etre romantique que d’etre un amoureux considere qui se devoterait aux plaisirs de sa compagne. En cela les femmes ont raison de promouvoir les aspects de leur vie intime qui ont besoins d’etre consideres et reconnus comme toute aussi importante que celle des hommes , qui generalement, n’ont aucune idee de s’offrir aux souhaits intimes de leurs compagnes. Ils seraient surpris de l’estime qu’ils en beneficieraient a long terme.

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