tiens, des immigrés

Aujourd’hui c’est la journée sans immigrés lancée par un collectif mystérieux – pas de page « qui sommes-nous ? » sur leur site – organisé en association ; les soutiens mentionnés en bas de page (Cimade, Resf, Mrap, Bellaciao…) laissent entrevoir un ancrage très à gauche. Les leftblogueurs relaient sans sourciller, les autres raillent.
C’est l’occasion de revenir aux définitions. La notion d’immigré fait référence au lieu de naissance et non pas à la nationalité. Ainsi les notions d’étranger et d’immigré, si elles peuvent se croiser, ne se confondent pas :

Selon l’Insee, « un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l’étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. À l’inverse, certains immigrés ont pu devenir français, les autres restant étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré n’est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d’immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s’il devient français par acquisition. C’est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l’origine géographique d’un immigré. »
Tandis qu’un « étranger est une personne qui réside en France et ne possède pas la nationalité française, soit qu’elle possède une autre nationalité (à titre exclusif), soit qu’elle n’en ait aucune (c’est le cas des personnes apatrides). Les personnes de nationalité française possédant une autre nationalité (ou plusieurs) sont considérées en France comme françaises. Un étranger n’est pas forcément immigré, il peut être né en France (les mineurs notamment).
A la différence de celle d’immigré, la qualité d’étranger ne perdure pas toujours tout au long de la vie : on peut, sous réserve que la législation en vigueur le permette, devenir français par acquisition. »

C’est aussi l’occasion de dénoncer cette expression ridicule que l’on entend souvent : « issus de l’immigration ». Au vu des personnes ainsi désignées ou évoquées, on comprend bien qu’il s’agit d’une partie seulement de la population concernée, à savoir les personnes issues de l’immigration non européenne, et certaines fois plus précisément les personnes dont les parents sont venus de pays africains ou musulmans. On est là typiquement dans la synecdoque.  Qui aurait l’idée en effet d’inclure dans ce groupe Estrosi, Morano, Devedjan, Filippetti, Montebourg ou même Sarkozy et Besson ? Qui aurait l’idée de considérer comme « immigrés » les anglais et hollandais installés en Dordogne ou en Ardèche ? Personne bien évidemment.

Dans le même genre, les personnes « issues de la diversité » ne sont pas blanches… De la difficulté en France, d’appeler un chat un chat.

D’ailleurs le manifeste de cette journée ne dit-il pas : « Nous, femmes et hommes, de toutes croyances, de tous bords politiques, et de toutes couleurs de peaux, immigrés, descendants d’immigrés, citoyens conscients de l’apport essentiel de l’immigration à notre pays, en avons assez des propos indignes tenus par certains responsables politiques visant à stigmatiser ou criminaliser les immigrés et leurs descendants. Rappelons qu’un immigré est celui qui est perçu comme tel par les autres au-delà même de ses origines. »

La boucle est bouclée. Non-dit quand tu nous tiens…

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Publié le 1 mars 2010, dans politique et société, et tagué , , , . Bookmarquez ce permalien. 21 Commentaires.

  1. Moi, immigré d’Europe, te remercie 🙂

  2. Imparable, bravo ! Mais vous ne trouverez pas grand-monde pour vous prêtez l’oreille : pas assez dans le sens du vent…

  3. Rue89 a fait pas mal de pub pour cette journée.
    Avec une interview des initiateurs où on apprenait qu’ils étaient tous les trois Français et nés en France (d’origine maghrébine). Niveau immigrés on fait mieux… Deux des trois reconnaissaient d’ailleurs ne pas être victimes de racisme…

    Bref, cette « journée sans immigrés », c’est un truc de Français arabes soutenu par des Français de souche bien paternalistes…

  4. Super billet…

  5. @ Claudio : De rien, entre indigènes européens faut se soutenir 🙂

    @ Didier : Ben oui, mieux vaut sauter avec les cabris…

    @ Falcon : Merci

    @ Vinz : « français de souche » est là aussi imprécis, il faudrait ajouter « européenne ». Les précisions que tu donnes dans ton billet sur l’organisation de cette journée sont intéressantes.

  6. On est toujours un peu les immigrés de quelqu’un…Je suis savoyarde (donc historiquement française que depuis 1860, soit après la colonisation de l’Algérie…Finalement, j’ai les mêmes origines que Carla, même si au moment du rattachement de la Savoie à la France, l’Italie n’existait pas en tant que telle, puisqu’elle n’était pas unifiée…)

    En ce moment, je vis en Franche-Comté. Territoire mouvementé, lui aussi, en matière de frontière. Le protestantisme, notamment, en fait un territoire à part sur le plan religieux.

    Ce qui m’a plu, dans cette idée, au delà de ce débat forcément trop passionné pour être honnête, c’est que je me suis plu à imaginer le bordel que ce pourrait être si les immigrés de près ou de loin se mettait à rien faire. Déjà, je n’aurais pas eu beaucoup d’élèves aujourd’hui. Peu de collègues aussi.

    Et moi, et moi, et moi ? Dans les territoires limitrophes, on s’interroge toujours un peu : en Savoie, quand on passe le Rhône pour aller dans l’Ain, on dit qu’on va en France. Pareil à Montbéliard…

    Alors, l’identité nationale…J’en parlerai aux Ducs du Wurtemberg…

    Sérieusement, aujourd’hui, moi, en tout cas, j’en ai rien à faire d’où viennent les gens…J’ai des élèves de 36 nationalités différentes et je ne fais aucune différence…Au moins, il y a toujours quelqu’un qui se réjouit d’un match de foot dans la classe, c’est déjà ça…

    CC

  7. Il aurait fallu mieux se renseigner avant d’écrire…
    L’origine de cette journée d’action visait à rassembler tous les Français issus de l’immigration ou de parents ou grand-parents issus de l’immigration. Quelle qu’elle soit, cette immigration.
    Comme ma prédécesseuse en commentaire, j’ai grandi en Savoie et je suis petit-fils d’immigré italien et je me suis parfaitement senti concerné par cette mobilisation.

  8. @ CC : L’identité nationale, non, l’identité régionale, oui, c’est cela ?
    Mais n’est-ce-pas la même chose à une échelle différente ?
    @ Fil : … Et lire avant de commenter…

  9. Ce que je tenais à souligner, c’est surtout la relativité de toutes choses, la fragilité, aussi des identités…A quoi ça tient, une frontière ?

    Et puis surtout cette idée à la « Rencontre du 3ème type » : « Nous sommes partout ! Bouh ! »

    🙂

  10. @fil : « L’origine de cette journée d’action visait à rassembler tous les Français issus de l’immigration ou de parents ou grand-parents issus de l’immigration. »

    Non, le manifeste vise les immigrés et leur descendants victimes de racisme, autant dire les Noirs et les Arabes.

    Je suis tombé sur un reportage de France3, où on voyait bien que les rassemblements organisés ne rassemblaient presque personne, et surtout des « blancs » (vieux gauchistes à la retraite). Y avait une des organisatrices locales qui disaient que c’était parce que les gens visés ne pouvaient pas, qu’ils travaillaient tout ça. Non, c’est parce qu’ils s’en foutent. Il doit y avoir 8 millions de noirs et d’arabes en France, et une centaine qui ont participé à ces manifestations…

    Et les identités régionales me gonflent, surtout par leur caractère ethnique.

  11. Immigrée de Paris

    En tant qu’ « immigrée », je me permets de dire ceci (en espérant ne pas être censurée).
    Pourquoi ce sont toujours les mêmes immigrés qui posent problème ?
    Pourquoi les immigrés Anglais ou Hollandais de Dordogne ne font jamais parler d’eux ? Pourquoi ce ne sont pas des immigrés chinois ou péruviens que l’on voit brûler des voitures ou transporter des armes blanches lorsqu’on les fouille dans le métro ?
    A un moment donné il faut aussi ouvrir les yeux sur la réalité. Je suis d’autant plus concernée car, si on met tout le monde dans le même sac, alors j’en fais partie, de cette France de la diversité…
    Il ne s’agit pas de criminaliser les immigrés dans leur ensemble. Personnellement, la race, la couleur, la nationalité, le pays de naissance, ce n’est pas ça qui compte. Je crois que c’est ça, on ose pas pointer du doigt l’origine même de ce débat. Combien de fois j’entends dans mon entourage « excuses-moi (les gens s’excusent à cause de ma couleur) mais ce sont toujours les mêmes…. ». Alors oui, toujours à cause des mêmes qu’il y a une montée d’extrémisme, ce que je déplore. Les mêmes qui ne respectent pas le pays où ils vivent, qu’ils soient nés ici ou ailleurs. Pour moi, l’identité nationale c’est le civisme, le respect des valeurs, des cultures, des cultes, des femmes…

  12. @Polluxe : Il faut donc avoir bouffé un petit Robert pour se lancer dans une mobilisation ? Ici, le collectif qui a pris l’initiative (au passage, y’a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent jamais) remet clairement en cause le mot « immigré » et cela me semble clair dans ton dernier paragraphe.

    @Vinz : « Non, le manifeste vise les immigrés et leur descendants victimes de racisme, autant dire les Noirs et les Arabes. » J’ai pas lu ça… si t’as une source…
    La mobilisation a voulu surtout rassembler les gens qui se sentent concernés et potentiellement victimes de la « chasse aux immigrés » qui se tient depuis quelques années sous l’impulsion de Sarkozy et Hortefeux. Et cela ne s’arrête pas qu’au Noirs et aux Arabes.
    Après que la communication sur cet évènement ait été foireuse et cloisonnée, c’est un autre problème mais l’initiative était -trop ambitieuse surement- de rassembler TOUS les actifs immigrés, fils et petit-fils d’immigrés… soit environ 80% de la population.

  13. @ Immigrée de Paris : Je suis d’accord avec toi mais il serait bon de pousser la réflexion un chouya plus loin. Pourquoi ces Arabes-là, et ces Noirs-là foutent le souk ?
    Ces mecs manquent de repères tout simplement, à cause de 3 choses selon moi :
    – des repères familiaux en vrac, aucune autorité des parents
    – des repères scolaires en vrac, enfants déscolarisés car pas adaptés au modèle scolaire
    – dernier point qui est à la fois cause et conséquence : stigmatisation sur l’origine, la culture qui rend leur intégration sociale encore plus impossible, pas intégrés, ils justifient et amplifient cette exclusion en faisant des conneries.
    On peut pas dire que l’action du gouvernement actuel aille dans le sens qu’il faudrait pour réintégrer « ces Arabes-là, et ces Noirs-là » (structures sociales délaissées, éducation sacrifiée, expulsions…)

  14. Polluxe a bien fait d’appuyer sur la signification des mots, car on y voit de moins en moins clair et le sens de ces manifestations nous échappent. Je parle pour moi d’abord.

    Je reprends les mots de Fil en copié-collé:
    « La mobilisation a voulu surtout rassembler les gens qui se sentent concernés et potentiellement victimes de la « chasse aux immigrés » qui se tient depuis quelques années sous l’impulsion de Sarkozy et Hortefeux. Et cela ne s’arrête pas qu’au Noirs et aux Arabes. »

    Là est toute l’ambiguïté de cette journée, si la mobilisation a le sens donné par FIL. Ce sens n’a pas été donné ,à ma connaissance,par les 3 organisateurs initiateurs.
    Faire un analogie entre une supposée non-reconnaissance de français ayant eu un passé (récent ou ancien) d’immigrés et la « chasse » aux immigrés clandestins relèvent soit d’une certaine malhonnêteté intellectuelle soit d’une absence de réflexion.
    Amalgame quand tu nous tiens …

  15. Fil, le mot « immigré » n’a pas à être remis en cause justement ; ou on l’utilise dans son sens véritable ou on l’utilise en le complétant ou on utilise un autre mot…

    Et je suis d’accord avec Lucie pour dire que cette façon de jouer sur les mots relève de la malhonnêteté intellectuelle ou de lamanipulation car c’est quelque part un moyen d’attirer la sympathie d’un plus grand nombre sur une cause particulière sans la donner précisément.

    En tous cas c’est raté…

  16. C’est raté, c’est raté… oui clairement la manifestation, le blocage économique, c’est raté… Par contre, je trouve que ce que je lis un peu partout et ici même a le mérite de lancer un réel débat (pas comme l’autre).
    C’est effectivement œuvre utile que de préciser quelques notions de vocabulaire, histoire que ça soit clair. Maintenant j’ai aussi, hélas, l’impression que ceux qui se déclarent « opposants » à ce genre de manif ne prennent pas réellement le temps de lire. Ils se contentent le plus souvent de réflexes.
    Au nombre de ces réflexes, se déclarer potentiellement censurable par une communauté de « bobos » ou de « bonnes âmes », et évidemment dés qu’on parle d’immigration, déplacer le sujet sur la délinquance et les prestations sociales.
    Alors qu’il me semble que le sujet, en l’occurrence, c’était justement de dénoncer les amalgames et les stigmatisations. Il ne s’agissait pas de nier les problèmes de délinquance(s) qui tournent effectivement autour de populations « issues de l’immigration », il s’agissait de revendiquer le droit de faire partie de ces populations sans pour autant être classé comme délinquant.
    À la limite, revendiquer le droit d’être immigré ET bobo ! Enfin, si j’ai bien compris…

    Maintenant, effectivement, physiquement, c’était plutôt raté.
    Normalement, selon la tradition Française, faudrait trouver le responsable du ratage, pour le procés.

  17. @Alx de casa

    Savez-vous que beaucoup de personnes ne font pas d’amalgames?

    (J’exclue les dentistes bien évidemment. Mauvaise plaisanterie, certes, mais l’humour laisse parfois le temps de réfléchir.)

    Faites confiance à vos contemporains, les silencieux qui ne vont pas à des manifs festives ou intempestives ne sont pas des indifférents ou des phobiques ( puisqu’aujourd’hui on est toujours le phobe de quelqu’un).
    ET parmi les silencieux, il y a même des personnes « issues de l’immigration » pour reprendre votre expression .

    Les silencieux souhaitent aussi faire une pause et prendre leur temps pour lire, discuter au bistrot, observer … vivre un peu… et tiens, pourquoi pas s’entredéchirer entre amis ou collègues pour savoir quel satané bulletin de vote ils mettront dans l’urne dans quelques jours.

  18. Oui oui Lucie, je sais. Beaucoup de personnes ne font pas d’amalgames…
    Ce ne sont pas celles qui me « posent problème »…
    Je vois pas bien le rapport en fait, avec ce que j’ai écrit…

    Le souci, avec les silencieux, c’est qu’on les entend pas beaucoup… alors que d’autres sont assourdissants.
    C’est pas pour ça que je crois qu’ils sont les seuls à exister, mais des fois, ils sont 53%. Et ils braillent comme 80.
    Et des fois les silencieux, ils sont trente. Et ils votent comme zéro.

  19. Je laisse aux silencieux leur bulletin de vote , même s’ils votent comme zéro. Avez-vous voulu dire: bulletins nuls, blancs, ou « mauvais » choix?

    Se déplacer jusqu’aux urnes, ce sera déjà beaucoup et j’espère garder la tête froide pour ne juger personne sur le contenu de son bulletin de vote. Je me suis si souvent trompée…

  20. Non non, Zéro. Comme zéro vote exprimé. Ni nul, ni blanc, ni « mauvais »… ni bon.
    Rien, walou, nada, nichts, nothing. Ssaf’ar.

    35% d’abstention de moyenne les dernières fois ? (de mémoire).

    Zéro. Comme la tête à Toto.
    Bon promis, j’arrête la poésie.

  21. @fil : alors non, le manifeste ne s’adresse pas explicitement aux noirs et aux arabes, mais le couplet sur les pauvres immigrés victimes du racisme, il vise pas les portugais ou les polonais, quoi.

    « la « chasse aux immigrés » qui se tient depuis quelques années sous l’impulsion de Sarkozy et Hortefeux. »
    Déjà, ceux qu’on « chasse », ce sont les clandestins, qui sont sur le territoire illégalement, et les frontières, c’est pas fait pour les chiens.
    Et faut arrêter de dramatiser à outrance avec des mots inconsidérés. « Chasse aux immigrés », on dirait presque qu’il y a une milice gouvernementale raciste.
    Faut arrêter de déconner. La France est sans doute le pays où l’intégration se passe le moins mal (grâce à l’assimilation) ; les mariages mixtes et les naturalisations y sont les plus fortes. Bref, y a pas pas plus accueillant que la France.