vote Le Pen : verbatim

Après le 1er tour de l’élection présidentielle, beaucoup d’articles et d’analyses se multiplient pour expliquer le vote en faveur de Marine Le Pen. On peut utilement, en effet, croiser les données sociologiques pour se rendre compte que le vote Le Pen est important chez les ouvriers, les artisans-commerçants, les peu diplômés, les fonctionnaires de catégorie C, les 35-44 ans… On peut aussi utiliser l’analyse territoriale pour affiner. Au premier abord, la carte du vote FN à l’échelle des départements est proche de la carte du chômage. Mais cela ne suffit pas car elle la déborde. A des échelles plus fines on peut voir le le vote FN est fort dans le rural désertifié, l’urbain désindustrialisé ou le péri-urbain touché par l’insécurité… et très faible dans les centres villes. On peut croiser des milliards de données pour caractériser les électeurs du FN. Mais on peut aussi les  écouter car le vote est avant tout un message politique. Morceaux choisis :

– Sur le blog Dunkerque, La route des dunes :

[Mon vote c’est] « Un avertissement à Sarkozy. Pendant cinq ans, il n’a aidé que les riches. » [C’est aussi une] mise en garde à François Hollande, pour pas qu’il refasse comme Mitterrand, qui m’avait déçu sur les salaires. »

« Pourquoi on a vendu Sollac [l’usine sidérurgique d’Arcelor] à un Indien ? Il va prendre tous les procédés et un jour il va fermer Dunkerque, comme il a déjà fait dans l’Est de la France. […] Avant, quand les sociétés faisaient des bénéfices, il y avait une participation pour les salariés. Aujourd’hui, on supprime des postes, on ferme des usines. »

L’Euro : « Ce jour-là, on a signé notre arrêt de mort. […] La baguette […] coûtait 1,10 franc. Elle est passée à 0,70 euro, et « parfois même 1 euro ». « Si c’est pas une escroquerie ! Les commerçants s’en sont foutus plein les poches. Et le gouvernement, qu’est-ce qu’il a fait ? Rien. »

Les « étrangers » : « Faudrait sévir. Bloquer les frontières. Je suis pas raciste, mais il y a des choses quand même… »

– Sur Rue 89 :

« Ma classe [ouvrière] est victime du mondialisme et du libéralisme. J’ai toujours fait la synthèse, entre intérêt de classe et l’intérêt national. »

Mélenchon ? : « Non, le candidat a un discours trop immigrationniste, c’est intenable. Alors que l’immigration est l’arme absolue du capital. »

« Je crois que ce qui aurait dû se passer, c’est un regroupement anticapitaliste, une alliance entre Mélenchon et Le Pen. Mais les mélenchonistes ne peuvent pas accepter à cause des questions d’immigration. Mais il n’y a pas de raison qu’on soit le seul pays à ouvrir les vannes. »

– Sur 20 minutes :

« Sans être raciste, l’immigration nous force chaque jour à penser, que nos enfants auront encore plus de difficultés que nous à trouver un emploi et un logement. »

« Le FN est le seul parti qui souhaite mettre un coup d’arrêt concernant la participation de la France au processus euro-mondialiste. »

« De plus, qui à part elle va endiguer cette immigration galopante que subit la France ? Petit à petit les menus spéciaux dans les cantines, les signes ostentatoires… La rue commence selon moi, à se remplir de ce type de tenues vestimentaires. »

« «J’ai voté Marine pour son programme, tout son programme. Le point sur l’immigration est une simple formalité, la seule chose qui compte c’est de fermer les vannes pour un temps, le temps de se reconstruire et de nourrir et loger nos pauvres. (…) »

« On ne cesse d’affubler les membres du FN de tous les mots les plus graves: racistes, fascistes, nazis, nouveaux Hitler. Je passe peut-être pour l’avocat du diable, mais rien que pour fermer le clapet de tous ces soi-disant donneurs de leçons, j’ai choisi le FN. »

– Sur le blog L’arène nue :

« Depuis que je m’intéresse à la politique – en gros 1981 – j’ai vu le débat dévier au point que toute référence positive à la France, à son histoire, à la Patrie, à la Nation est frappée du sceau de « fascisme » par les beaux esprits. »

« Je ne suis pas convaincu non plus qu’avoir fait entrer des milliers d’immigrés culturellement inassimilables avant plusieurs générations au profit des patrons qui font du chantage au salaire, et de syndicats qui trouvent à bon compte un nouveau prolétariat plus malléable soit une « chance pour la France ». Ils ont réussi à créer un communautarisme militant qui est une bombe à retardement. »

« En revanche il faut être aveugle pour nier que l’immigration extra-européenne massive soit  un problème. Ça deviendrait presque amusant de voir les mêmes personnes trouver formidable, -comme je le trouve moi-même – un peuple africain, amérindien, asiatique qui lutte pour conserver son mode de vie, ses traditions, ses croyances, etc. Or dès qu’il s’agit d’un peuple européen on a droit aux cris d’orfraies, aux « retour de la bête immonde » et autres gracieusetés. »

PS [27-04-12] : lire l’excellent interview d’un géographe auteur de Fractures françaises : http://www.slate.fr/story/54109/fn-stupide-gauche-guilluy
« Contre le mythe d’une grande «moyennisation», le géographe Christophe Guilluy décrit depuis dix ans la précarisation d’une France périphérique majoritaire, confrontée à la brutalité de la mondialisation et très préoccupée par les questions d’immigration. Il nous livre son analyse sur le vote FN, les classes populaires et la gauche. »

Publié le 25 avril 2012, dans politique et société, verbatim, et tagué , , , . Bookmarquez ce permalien. 7 Commentaires.

  1. Pathétique, triste, atterrant… je ne sais pas dire à quel point ce genre de verbatims me donnent envie de pleurer, et un peu la nausée aussi.
    on est loin quand même du vote uniquement protestataire, ce genre de phrases tend à montrer que le vote MLP est aussi un vote d’adhésion à ses idées, au fantasme de l’immigration qui ruine la France, et du « je suis pas racisme, j’ai un ami noir ». D’ailleurs je ne pense pas que le programme de MLP soit raciste au sens où il créerait une hiérarchie des couleurs, il est xénophobe : on joue sur le peur de l’étranger, l’autre, qui vient piquer nos jobs, éventuellement profiter des largesses de l’Etat français, qui va islamiser la France et j’en passe.
    Ce que je trouve le plus triste, c’est que ça dénote surtout une profonde méconnaissance de la réalité française… en fait c’est ça, je suis triste, ça fait formule toute faite, mais là j’ai mal à la France.

  2. Tout à fait d’accord avec le commentaire de TruUffe! En effet, ce sont des gens qui connaissent très mal la France, ses réalités sociales et économiques. Les immigrés rapportent 12 milliards d’euros par an. Le calcul ramenant les 3 millions de chômeurs à pâtir de la présence de 3 millions d’immigrés est tout simplement faux. C’est un dysfonctionnement de la « machine économique », pas une « panne de courant » causée par les étrangers!

  3. Bonjour,
    Je débarque sur ce blog qui, soit dit en passant me semble très sympa, avec une simple question. Est-ce vous la blogueuse que j’ai vue hier au JT de FR3 dans la salle du fond du Café Livre ?

  4. Oui, c’est moi 😉

  5. Merci de m’avoir répondu.
    Le fait d’avoir choisi le Café Livre, et particulièrement cette salle que j’aime beaucoup, comme lieu de réunion, m’a incité à venir faire un tour sur votre blog. Je ne suis pas déçu de la visite et je reviendrai régulièrement, mais sans forcément laisser de commentaire… je ne suis pas très bavard.

  6. Interview très intéressant à lire sur le sujet : http://www.slate.fr/story/54109/fn-stupide-gauche-guilluy

  7. Je ne vois pas en quoi est-ce raciste en dehors de toute considération culturelle de se poser la question du coût-avantage économique à l’immigration.
    200 000 familles à loger en plus chaque année dans les centres urbains déjà sous tension, le coût de l’apprentissage du français par les enfants scolarisés, des personnes qui sont prêtes à accepter des boulots sous-payés pendant que les patrons s’en mettent plein les poches et ne sont pas condamnés lorsqu’ils utilisent des sans-papiers alors que ces derniers sont poursuivis comme du bétail.
    Se poser la question à un moment T de moins recourir à l’immigration car le pays ne peut pas absorber à ce moment T économiquement dans de bonnes conditions n’est pas être raciste. Surtout qu’il s’agit souvent de satisfaire le besoin de main-d’œuvre trop bon marché pour les entreprises qui comme par hasard refusent de jouer le jeu de l’offre et la demande du marché du travail quand c’est à elles de s’adapter en augmentant les salaires des métiers ingrats.
    Dans Germinal, Zola décrivait très bien ce chantage aux grèves, « si vous n’arrêtez pas vos revendications, on fera appel aux « armées de garde », les mineurs belges, qui eux accepteront de moins bons salaires. »
    Pourquoi serait-ce raciste aujourd’hui de dénoncer cela?