18e, Goutte d’or : ce sont les habitants qui en parlent le mieux

18eLe 18e est un arrondissement que j’aime beaucoup car c’est une sorte de ville dans la ville où l’on peut tout faire sans avoir à en sortir, notamment le week-end : faire son marché, lire dans un jardin, aller au ciné ou au théâtre, visiter des ateliers d’artistes, prendre un verre ou grignoter au bistrot, se balader dans des rues pittoresques – on y tourne d’ailleurs souvent des films pour leur coté très parigot – et bien sûr monter sur la butte ou même fêter les vendanges.

Mais comme toute ville, le 18e a ses quartiers chics, ses quartiers bobos et ses zones délaissées. En témoignent les prix de l’immobilier au m² : plus de 8000 € sur la butte Montmartre, entre 7000 et 8000 à ses pieds aux Abbesses, entre 6000 et 7000 dans les quartiers Grandes Carrières et Jules Joffrin… alors qu’au delà de cette zone – délimitée en gros par la rue Belliard, les boulevards Ornano et Barbés – au Nord et l’Est, le prix passe en dessous de 6000 €/m², comme on peut le voir sur la carte ci-dessous :

18e

Source : Meilleursagents.com

Le quartier Goutte d’Or Château Rouge, situé juste à coté de Montmartre et de Jules Joffrin, est un quartier où l’on passe facilement, contrairement aux quartiers à l’Est des lignes de chemin de fer. Malgré des améliorations dans le bâti depuis une dizaine d’année, cela reste un quartier « difficile », comme on dit dans les comités de pilotage. Le samedi, au métro Château Rouge et à proximité, véritable quartier africain, on y vend des produits alimentaires et autres sur le trottoir, dans un grand tohu-bohu. Je ne suis pas passée récemment rue Myrha, mais la dernière fois, il y avait des dames africaines en short qui tenaient les portes.

Il faudrait que j’aille y faire un tour le vendredi où la rue se transforme en mosquée à ciel ouvert, pour voir tout ça de plus près. Car c’est cette pratique là, hors de toute règle, qui a constitué le point de départ de la polémique sur l’apéro géant « saucisson-pinard » interdit par la préfecture. Outre les avis de Nadia Geerts Caroline Fourest ou Elisabeth Levy, voici la réaction de certains habitants qui ont envoyé le texte suivant au journal Marianne. Bien que n’habitant pas dans ce coin précis du 18e, je les comprends…

Nous, habitants de  la Goutte d’Or – Château Rouge, quartier  auquel nous sommes attachés, tenons à dénoncer fermement les  manœuvres de certaines organisations  ou  groupes d’intérêts qui font de notre quartier un théâtre d’affrontements tactiques loin de nos réalités concrètes.

La dernière en date est cette initiative annoncée par un groupe d’extrême droite, d’organiser un apéro géant  autour du menu « saucisson et pinard », un vendredi,  rue Myrha.  Le rassemblement a pour cible la mosquée du milieu de la rue qui attire, précisément  chaque vendredi  à l’heure de la prière, de nombreux fidèles qui se déploient sur la chaussée. Outre son caractère spectaculaire et délibérément provocateur, la démarche entend exploiter voire capitaliser au profit de la droite raciste, le mécontentement, bien réel, de nombre de citoyens exaspérés par le laxisme des autorités devant cette ostensible occupation  de l’espace public.

La réaction, juste par principe, à ce projet d’apéro géant est venue d’un ensemble d’associations et de partis politiques de gauche qui dénoncent l’extrême droite et son opération « saucisson et pinard » comme une croisade contre une « pseudo islamisation » du quartier. Mais les mêmes ne disent rien sur les problèmes réels qui rongent ce quartier.

Exception faite d’un programme municipal de réhabilitation du bâti destiné à masquer le scandale d’une misère trop visible, notre quartier est véritablement le laissé pour compte des politiques publiques. On attend toujours qu’il soit mis  un terme au commerce informel qui prolifère dangereusement sur les trottoirs des rues Poulet, Dejean, des poissonniers, Doudeauville interdisant toute circulation piétonnière et freinant tout développement commercial normal. On attend toujours que soit respecté  la réglementation  en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire. On attend toujours qu’on intervienne auprès des responsables des mosquées pour limiter l’empiètement de la pratique du culte sur l’espace public. On attend toujours qu’il soit mis un terme au règne des caïds et des délinquants en certains endroits du quartier, etc.

En fait, l’administration et les responsables politiques toutes couleurs  confondues, n’ont jamais cessé de considérer notre quartier comme  un réceptacle de toutes les nuisances au lieu de répondre aux attentes légitimes des habitants par des politiques d’aide sociale réelles et concrètes, de soutien linguistique et éducatif, de restauration du tissu culturel et commercial, d’éradication de la prostitution, de la délinquance et de la toxicomanie…

Cette provocation de l’extrême  droite  à l’endroit de notre quartier nous parait être l’occasion de mettre les pendules à l’heure et de s’interroger si le désintérêt manifeste pour des solutions adaptées aux difficultés du quartier n’est pas, jusqu’à la caricature, le signe de l’abandon des classes populaires  par toutes les élites politiques ?

Des habitants du quartier Goutte d’Or Château Rouge

18 juin 2010
cgoutteor@yahoo.fr

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Publié le 18 juin 2010, dans politique et société, verbatim, et tagué , , , . Bookmarquez ce permalien. 9 Commentaires.

  1. Héhé, sympathique article ! Ça, pour être contrasté, le XVIIIème l’est, assurément ! 🙂
    Mais vu l’augmentation des loyers, à mon avis, dans quinze ou vingt ans, il ressemblera entièrement à Jules Joffrin, ce sera un arrondissement pour les classes moyennes-supérieures. Je quitte Château Rouge, quartier que j’adore et qui m’exaspère en même temps, j’en garderai un souvenir fort, et une certaine fierté d’être passé par là…

  2. Bonjour futur ex-voisin (tu pars où ?)

    Il faudra bien attendre 15 ou 20 ans en effet, car même si ça bouge un peu du coté de la rue de Clignancourt, plus à l’Est c’est encore assez délabré.

    « fierté d’être passé par là » : oui, je n’aurais pas eu ce courage…

  3. Il est joli ton billet… j’ai une image bien à moi du XVIIIeme… L’image d’un touriste qui, des fois, monte sur Paris, toujours avec plaisir. Et passe toujours dans ces quartiers, bizarrement…

    Après oui, c’est un affrontement politique. Soit… Ça ne sera pas la première fois que certains seront instrumentalisés, par la gauche, par la droite, ou par les extrêmes des deux bords.

    bon weekend !

  4. Bien d’accord avec cet article, et il y a un site consacré au 18ème, assomag, qui est sympa. Bon WE.
    Nb. Et merci pour le commentaire sympa sur mon blog.

  5. Vous vous foutez du monde. J’ai vu changer ce quartier, ces vingt dernières années. Un de mes plus vieux amis habitaient là, il y a une vingtaine d’années. Lorsque j’y allait, alors, ce quartier était du genre : deux tiers français pauvres et un tiers arabe. Aujourd’hui, il n’y a plus de Français pauvres (ou alors ils rasent les murs). La dernière fois où j’y suis allé, dans ce quartier désormais purement africain, c’était justement invité chez Balmeyer. Ne me dites pas pas que ce quartier est « divers ». C’est une pure enclave africaine, qui, précisément, n’a plus rien de « divers ». Il y a trente ans, j’ai emmené ma grand-mère (peu de temps avant sa mort) dans ce quartier où elle avait vécu vers 1910-1914. C’était déjà très différent de ce qu’elle avait connu, forcément.

    Aujourd’hui, ce quartier, anciennement populaire, est devenu un «quartier nègre», comme l’on disait au temps des colonies. Et vous savez quoi ? Tous ces nègres vont se faire fourrer, mais alors profond, par plus enculés qu’eux : leurs petits camarades musulmans, arabes, qui les méprisent du fond du cœur. Je vous souhaite bien du plaisir.

  6. Intéressant comme les quartiers de Paris se modifient avec le temps, gentrification du XIème par exemple ou bien du XXème (je me souviens il y a vingt ans qu’il ne fallait pas trop y traîner le soir, alors que j’y ai habité plus tard c’était devenu cosmopolito-familial – ça me plaît comme concept! – sans être encore bobo) et comment ils deviennent un enjeu, stigmatisation, réappropriation etc. Pas facile d’en rétablir l’image après ça…

  7. Chouyo,

    gentrification et boboisation concernent tout Paris en effet. Aujourd’hui, vu les prix au m², les classes moyennes se rabattent sur le 18e (sauf la butte Montmartre très VIP), le 19e et le 20e. Mais il y a encore des enclaves pauvres qui « résistent ».

    Didier,

    où ai-je dis que le quartier Château Rouge était « divers » ? Le 18e dans son ensemble, l’est par contre. Question d’échelle.

    Mais promis, dès que j’ai un moment, avec un appareil photo, je vais faire un petit reportage dans ce quartier pour mettre tout le monde d’accord… 😉

  8. On attend ton reportage polluxe

  9. Seuls les monuments sont parisiens !… Bien que beaucoup appartiennent certainement pas a des parisiens…. Il fallait partir ya longtemps ! …. Si l’accent londonien (cockney) est en voie de disparition tres prochainement, vous pouvez parier vos precieuses que ca sera la meme chose pour les parisiens (pas plus mal par certains cotes !)…. Ils ne se feront pas autant remarques dans les provinces….