génocide arménien : l’erreur historique

« Erreur historique » est le terme utilisé par les représentants de la Turquie pour qualifier l’adoption par l’assemblée nationale de la proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien de 1915, déjà reconnu par une loi de 2001. Sans adhérer aux arguments de la Turquie je considère que c’est une erreur, d’abord parce que la loi n’a pas à faire l’histoire (comme déjà évoqué précédemment), ensuite parce que ce génocide n’a rien à voir avec la France (ce qui n’est pas le cas du génocide juif auquel la France a participé via le régime de Vichy). Ceci constitue le point faible de cette loi et les députés turcs ne s’y sont pas trompés qui envisagent de reconnaître un « génocide » commis par la France en Algérie… La France n’a pas à légiférer sur l’histoire des autres : devrait-elle reconnaître le génocide cambodgien au motif qu’il y a des français d’origine cambodgienne ? Par contre il est tout à fait légitime que l’Union Européenne exige que la Turquie reconnaisse (sincèrement…) ce génocide pour adhérer au club européen.

Publié le 14 octobre 2006, dans politique et société, et tagué , , . Bookmarquez ce permalien. 13 Commentaires.

  1. La reconnaissance du génocide ne fait pas partie des critères de l’Union européenne. Est-ce grave ? On peut penser que, lorsque la Turquie aura rempli les conditions démocratiques (droit à l’expression, par exemple), cela se fera. Rome ne s’est pas fait en un jour, son Traité non plus 😉

  2. Je suis d’accord avec toi.
    Il ne s’agit pas ici de nier le génocide arménien, mais de blamer la prétention française de légiférer pénalement sur l’histoire d’autrui.
    L’histoire des peuples, les blessures, ne se referment pas en humiliant systématiquement un pays dans sa volonté d’intégrer l’occident.
    Sauf les arméniens faisant partie du lobbying poussant à cette proposition de loi, les autres sont bien embarassés, les arméniens de Turquie notamment.
    Approfondir : l’article de wikipédia sur le génocide arménien.

  3. On peut considèrer que la reconnaissance du génocide est une exigence implicite ou collatèrale pour l’adhésion.

  4. Et puis il y a encore de gens qui pensent qu’il n’y a pas eu génocide, comme l’historien, spécialiste de l’islam, Bernard Lewis et Guy Sorman.

    Plus généralement, peut-on employer cette catégorie (le génocide) alors qu’elle a été théorisée quelques années après le massacre des Arméniens, dans le sillon de la Shoah…?

  5. C’est tout le problème quand on utilise ce genre de terme. Quelle est sa définition exacte ? Quels champs recouvre-t-il ? Peut-on en faire une utilisation « rétroactive » ? Peut-on qualifier par exemple le massacre des indiens d’Amérique du Nord de génocide ?
    Dans la notion de génocide il y la volonté de détruire un groupe humain, à plus ou moins long terme, en temps de guerre comme en temps de paix, c’est un massacre planifié. C’est le cas des arméniens dans l’empire ottoman en 1915 : « Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l’âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n’ont pas leur place ici. » texte d’un télégramme d’un ministre turc de l’époque cité par Hérodote.
    Le terme de génocide me semble approprié même si le mot n’existait pas encore ; les faits précèdent souvent leur dénomination. Lire aussi l’article du Monde sur la position de Lewis.

  6. Merci Polluxe pour le lien.
    Effectivement, si Theodor Lemkin a lui-même utilisé le massacre des Arméniens pour élaborer le concept de génocide…
    Mais j’aimerais bien avoir l’argumentaire de B. Lewis qui, certes, peut se tromper mais n’est pas non plus le premier idiot venu…

  7. Il reste que quoique l’on mette dans le terme « génocide », si nous légiférons pour le massacre arménien, je ne vois pas pourquoi nous n’en ferions pas de même pour toutes les autres exterminations de masse, passées et en cours, et pour lesquelles la France n’est pas plus impliquée…
    C’est toute l’incohérence de cette loi plus électoraliste que réfléchie, que nos députés de gauche comme de droite, ont votée sans trop se bousculer (1/4 de l’effectif dans l’hémicycle !), ménageant les 500000 électeurs arméniens d’origine…
    Et surtout, quand nos politiques auront admis que le peuple français est, dans son immense majorité, composé d’adultes responsables capables de débattre et de discerner le bien du mal, peut être cesseront ils de l’infantiliser par des lois moralisatrices et inutiles…
    Cordialement…

  8. Je pense que tu fais fausse route ,
    Le 12 octobre dernier, l’assemblée Nationale n’a pas eu la prétention d’écrire l’histoire mais de légiférer sur un fait du présent: le négationnisme.
    Par essence, le négationnisme est une idéologie raciste, qui pousse l’intolérance et la haine, à nier jusqu’aux souffrances d’autrui, nier à l’autre jusqu’à son histoire. Il n’y a qu’à voir, les négateurs de la Shoah sont les partisans d’extrême droite et autres antisémites d’hier. Aujourd’hui, le régime Iranien affirme son antisémitisme par l’organisation d’un colloque (pseudo-scientifique) hautement révisionniste.

    Le négationnisme est une idéologie attentatoire à la dignité humaine au même titre que l’est le racisme.
    Aujourd’hui, si l’on peut discuter le fait que le génocide arménien n’a rien à voir avec la France, il est indéniable que le négationnisme sévis en France. Tu confond négationnisme et génocide. Si le génocide n’a pas eu lieu en France, le négationnisme s’exprime aujourd’hui librement dans notre pays (manifestation négationniste à Lyon, Paris., intimidations lors de conférences sur le génocide Arménien, distribution de tracts niant ce génocide sur la voie publique, revue et sites Internet …).
    Au même titre que l’on doit condamner tous les racismes, il faut condamner tous les négationnismes.

    Rien à voir avec le sujet présent (le négationnisme), mais voici une vidéo sur un personnage de l’histoire qui s’est illustré positivement pendant le génocide arménien et la Shoah: lien video

     

  9. Je vous rassure, je ne confonds pas négationnisme et génocide. Mais si l’assemblée a pu voter cette loi c’est bien parce qu’une loi précédente avait reconnu le génocide, loi entrant dans le cadre de ce que l’on appelle les « lois mémorielles ». Je maintiens qu’il n’est pas dans le rôle du parlement de qualifier les faits historiques et d’en pénaliser ensuite la contestation ou la négation, comme déjà évoqué dans un billet précédent. Voir aussi les point de vue récents de juristes et d’historiens.

  10. Lorsque la Turquie reconnaîtra publiquement et officiellement le génocide arménien, elle ne fera que reconnaître et assumer son passé. Son comportement aujourd’hui est le fruit de la honte les pèses, mais nier un génocide est non seulement honteux et inhumain mais plus encore c’est une deuxième mort pour le peuple arménien. Le génocide Arménien est le premier génocide perpetré au XXe siècle, toute la propagande, la préssion politique et économique les différentes pressions de détournement de l’histoire allant jusqu’à modifier le système et l »histoire éducative turque ne pourra que créer un fossé supplémentaire entre la Turquie et le reste du monde. Non, la Turquie est encore loin de pouvoir s’asseoir sur le banc des pays dit démocratique et libre, il sagit d’une dictature sous couvert diplomatique déguise en fausse démocratie et ceci grâce à son positionnement géostratégique militaire et son pouvoir economique à travers le monde. Les Arméniens ne reconceront jamais à cette lutte digne et légitime !!! Celui qui tourne le dos à la réalité, tourne le dos à l’avenir !!!

  11. Varante, le génocide arménien n’est pas le premier génocide du XXe siècle mais le deuxième ; c’est un génocide quasiment oublié, et ça c’est vraiment scandaleux, qui a cet « honneur » ? le génocide des Hereros et des Namas commis par l’armée allemande dans sa colonie de Namibie, 10 ans avant le génocide arménien. L’Allemagne refuse de payer des réparations.

    Voici un article sur le sujet, qui parle notamment de liens entre ce génocide et la Shoah.

  12. Moi, j’aimerais bien savoir, pourquoi, ne parletons jamais de la persécution des Tsiganes par les nazis, persécution, qui s’est apparentée au génocide, puisqu’ils furent rassemblés, déportés et gazés au même titre que les juifs !

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