les profs à la rue

Environ 22 000 enseignants ont manifesté hier à Paris (précision : 30 000 selon la fourchette haute des syndicats + 13 500 selon la police égale 43 500 que je divise par 2 soit 21 750 cqfd) pour protester notamment contre les suppressions de postes et indirectement pour défendre les salaires. Or il semblerait que dans un passé récent ces revendications aient joué l’une contre l’autre, au profit de la première ; autrement dit, les syndicats et les enseignants en se focalisant sur la défense des emplois – pour améliorer des conditions de travail qui se dégradaient du fait de l’arrivée de « nouveaux publics plus difficiles » – ont de fait renoncé à la défense du pouvoir d’achat qui a baissé depuis 25 ans. C’est ce que dit l’étude de deux économistes :

Extrait : […] dans un contexte marqué par l’arrivée de nouveaux publics plus difficiles, on a acheté la paix sociale en créant des postes ou en maintenant ceux qui auraient pu être supprimés en raison de la démographie. Les chiffres de la direction générale de l’administration et de la fonction publique montrent que les effectifs de l’enseignement ont crû de 18,6% entre 1982 et 2003, pendant que le salaire réel moyen baissait de 20%. On peut donc calculer que la masse salariale réelle a baissé de 5% sur cette période.
Il semble donc bien vrai que dans le cas du secondaire, les syndicats et le gouvernement se soient livrés à une transaction, qui consiste techniquement à substituer des créations (ou maintiens) de postes, qui se traduisent en taux d’encadrement plus bas, en l’échange d’une dévalorisation des traitements indiciaires réels.

En fait cette perte de pouvoir d’achat concerne tous les fonctionnaires puisqu’il s’agit de la baisse du pouvoir d’achat du point d’indice.
NB. Le point d’indice est la base de calcul des salaires de la fonction publique : il est aujourd’hui à 53 euros annuel et chaque fonctionnaire a en fonction de sa catégorie, de sa qualification, de son ancienneté, un certain nombre de points d’indice qui donne son salaire brut.

[…] La baisse concerne en réalité beaucoup de fonctionnaires à des degrés divers, car elle est due au premier chef à l’érosion, jamais complètement compensée, du pouvoir d’achat du point d’indice, qui permet de calculer tous les traitements publics de base.
[…] Une nouvelle culture s’est mise en place, qui consiste, pour le ministre de la Fonction publique, à faire prendre à ses agents des vessies pour des lanternes : confondre les augmentations liées au jeu automatique de l’ancienneté avec la véritable indexation du point d’indice.
[…] Une hypothèse qui aurait notre faveur est que, durant cette période de chômage de masse, l’Etat s’est progressivement fait payer une prime de risque par des fonctionnaires dont la demande d’assurance est forte… (article complet)

Par ailleurs pour que le salaire le plus bas de la fonction publique ne soit pas en dessous du SMIC, l’Etat augmente régulièrement l’indice minimum (191 en 1981, 263 en 2004, 275 en 2005), ce qui réduit l’écart entre les salaires.
Dans ses discours Sarkozy parlent de « fonctionnaires moins nombreux mais mieux payés »… Chiche !

Publié le 21 janvier 2007, dans politique et société, verbatim, et tagué , , , , , . Bookmarquez ce permalien. 5 Commentaires.

  1. Chiche ? OUI.
    Il est vrai que l’idée d’un avenir en France où « l’infirmière pourra devenir médecin » est extrêmement positive et donne beaucoup d’espoir.
    Personnellement, j’ai envie que la France offre ses possibilités là. Que les horizons soient ouverts.

    Extrait du discours d’investiture de Sarkozy :
    « Je veux un Etat où les fonctionnaires seront moins nombreux mais mieux payés », a-t-il expliqué, estimant que « la fonction publique [doit cesser] d’être un refuge pour ceux qui ont peur de prendre des risques. » Il a mis en avant une fonction publique « où le mérite individuel sera récompensé, (…) où l’infirmière pourra devenir médecin, où le technicien pourra devenir ingénieur, où l’agent administratif pourra devenir directeur ». cf. article du Monde  

  2. Si encore cette baisse de pouvoir ne touchait que les fonctionnaires … Elle serait déjà scandaleuse mais, en même temps, ils ont la sécurité de l’emploi eux. Mais, au delà même des fonctionnaires, il est désormais patent que cette baisse touche l’ensemble des classes moyennes de France (fonctionnaires mais aussi employés, cadres administratifs, petits artisans, …). Et après, certains osent s’offusquer d’une augmentation d’impôts pour ceux qui gagnent + de 4 000 € nets par mois ! C’est indécent !

  3. Ce que dit l’article c’est que le pouvoir d’achat du point a baissé. Pas le pouvoir d’achat des fonctionnaires qui ne depend pas que de la valeur du point, comme le montre l’exemple de l’augmentation de l’indice minimum qui prend 4.5% entre 2004 et 2005. En fait la perte de valeur du point compense le GVT et la promotion automatique a l’ancienneté. Quand aux classes moyennes, c’est un concept fumeux comme si un prof certifié et un plombier zingueur faisait partie de la meme « classe ». Les 4000€ net, c’est par part fiscale (ce qui doit correspondre au montant d’un couple d’énarque avec 4 enfants).

  4. Précision : le GVT (glissement vieillesse technicité) est le fait qu’un salaire augmente du fait de l’ancienneté ou d’une promotion ; par ex. un professeur certifié gagnera plus en fin de carrière qu’au début et encore plus s’il est promu agrégé.
    Certes, individuellement le pouvoir d’achat d’un fonctionnaire n’a pas l’air de baisser à cause du GVT, mais cela masque la baisse réelle de pouvoir d’achat qui est celle du point d’indice, référence qui permet de faire des comparaisons toutes choses étant égales par ailleurs (même corps, même grade, même ancienneté…) ; ainsi un agent en début de carrière peut avoir aujourd’hui un pouvoir d’achat inférieur à celui de son équivalent de 1980, à indice égal. Par ailleurs pour les profs certifiés, hors mis le pouvoir d’achat et vu l’évolution du SMIC, on peut même parler de déclassement (cf. graphique).
    Mais ce n’est pas si simple en effet, car certaines catégories ont pu être revalorisées par des progressions d’indice, comme le montre l’augmentation de l’indice minimum ou la suppression de la catégorie D. D’où l’intérêt de cette étude qui a fait une « reconstitution minutieuse des grilles indiciaires des divers corps de fonctionnaires de l’enseignement public, depuis 45 ans […] ».
    Le raisonnement que vous tenez est justement celui qui est dénoncé dans l’article : « le ministre de la Fonction publique, [fait] prendre à ses agents des vessies pour des lanternes : confondre les augmentations liées au jeu automatique de l’ancienneté avec la véritable indexation du point d’indice. ». Comme vous le dites « la perte de valeur du point compense le GVT et la promotion automatique a l’ancienneté », c’est à dire que l’on reprend d’un coté ce que l’on a donné de l’autre. La question qui est sous-jacente est donc : est-il normal qu’un salaire augmente avec l’ancienneté ? Vaste sujet…

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