La diversité contre l’égalité
C’est le titre d’un ouvrage de l’universitaire américain, W.B Michaels – déjà cité sur ce blog – qui défend l’idée que la « diversité » ou la politique de « discrimination positive » occulte le problème des inégalités sociales, autrement dit en termes plus anciens, que la question ethnique masque la question sociale. Sur le même sujet Mézetulle a fait un billet au titre très parlant : Diversité et politique de diversion. On peut en effet penser que même si cela n’est pas orchestré volontairement cette focalisation sur la « diversité » en arrange plus d’un. Voici un extrait de l’entretien que l’auteur a donné sur Marianne :
Vous expliquez que la diversité ne réduit pas les inégalités, mais permet seulement de les gérer. Que voulez-vous dire?
Eh bien, il est évident que la diversité ne réduit pas les inégalités économiques. Si vous prenez les 10% de gens les plus riches (ceux qui ont en fait tiré le plus de bénéfices de l’explosion néolibérale des inégalités) et que vous vous assurez qu’une proportion correcte d’entre eux sont noirs, musulmans, femmes ou gays, vous n’avez pas généré plus d’égalité sociale. Vous avez juste créé une société dans laquelle ceux qui tirent avantage des inégalités ne sont pas tous de la même couleur ou du même sexe.
Les avantages en termes de gouvernance sont assez évidents, eux aussi. L’objectif du néolibéralisme, c’est un monde où les riches peuvent regarder les pauvres et leur affirmer (à raison) que personne n’est victime de discrimination, leur affirmer (tout autant à raison) que leurs identités sont respectées. Il ne s’agit pas, bien sûr, de les rendre moins pauvres, mais de leur faire sentir que leur pauvreté n’est pas injuste.Vous ne semblez pas être un fervent partisan de la politique de discrimination positive telle qu’elle est menée actuellement aux Etats-Unis. Que préconiseriez-vous afin de rendre moins inégalitaire le système éducatif américain ?
Ces quarante dernières années, les étudiants des universités américaines ont changé, et de deux façons. Premièrement, ils se sont beaucoup diversifiés. Deuxièmement, ils sont toujours plus riches. Cela signifie qu’alors que les universités américaines se sont autoproclamées de plus en plus ouvertes (à la diversité), elles se sont en réalité de plus en plus fermées. Ça ne veut pas seulement dire que les jeunes issus de milieux modestes ont du mal à payer leur scolarité, ça signifie aussi qu’ils ont reçu un enseignement si bas de gamme dans le primaire et le secondaire qu’ils n’arrivent pas à passer les examens d’entrée à l’université.
Donc, la première chose à faire lorsqu’on décide de mettre en place une politique de discrimination positive, c’est de le faire par classes et non par races. La seconde — mais de loin la plus importante — chose à faire serait de commencer à réduire les inégalités du système éducatif américain dès le primaire.[…] la diversité est au service du néolibéralisme, et non son ennemie. Ce n’est pas une adresse à Sarkozy — il sait déjà qu’une élite diversifiée est une élite plus heureuse, plus autosatisfaite. Cela s’adresse à la gauche, à ceux qui préfèrent s’opposer au néolibéralisme, plutôt que l’améliorer.
Publié le 27 février 2009, dans politique et société, et tagué discrimination positive, diversité, Etats-Unis, gauche, Obama. Bookmarquez ce permalien. 4 Commentaires.
« Cela s’adresse à la gauche, à ceux qui préfèrent s’opposer au néolibéralisme, plutôt que l’améliorer. »
Dans la même veine, et pour un panorama français et plus large, je me permets, Polluxe, de vous conseiller La Gauche sans le peuple d’Eric Conan.
Paru en 2004, dans une période où la gauche digérait le 21 avril 2002, ce livre montre comment la gauche, boboïsée et post soixante-huitarde, a fini par oublier le peuple (autrement dit la question sociale) en lui substituant des peuples de remplacement : sans papiers, délinquants, immigrés, artistes, etc. La gauche s’est ainsi trompée de politique (ce qui explique la défaite de Jospin en 2002).
Dans ce contexte, l’antiracisme des années 1980 et le culte des différences se trouvent mise dans une perspective intéressante.
Tout à fait. Ce genre de discours s’adresse à une gauche qui s’est éparpillée dans les revendications communautaires.
Ah ouais ! Et bientôt la discrimination (négative) sera la faute de la gauche, lutter pour la reconnaissance de l’histoire de l’esclavage une revendication communautaire dangereuse, les droits des sans papiers c’est du bidon,…
Un noir en France, même riche est discriminé, se fait contrôler par la police injustement, est vu comme un citoyen de seconde zone… Eunyce Barber en sait quelque chose par exemple !
Aux Etats-Unis c’est trop de racial pas assez de social, et en France trop de social et pas du tout de racial et vous en voudriez plus !
Mais il faut choisir quoi alors ? Il ne faut pas choisir ! Ce sont deux types de problèmes différents il faut lutter contre les deux : Ceux qui font un choix dans un sens ou dans l’autre oubliant ou le social ou le racial alimente l’un des problèmes.
C’est justement ce qui est reproché à la gauche d’avoir fait un choix.