géographie des émeutes

Plusieurs mois après les émeutes de novembre 2005, les premières études sortent dont l’ouvrage Emeutes urbaines et protestations, dirigé par Hugues Lagrange, sociologue au CNRS : 200 communes ont été étudiées, celles de plus de 25 000 habitants en Ile-de-France et celles de plus de 65 000 habitants ailleurs, pour essayer de comprendre pourquoi certaines avaient bougé et d’autres non.
Les quartiers touchés sont des zones urbaines sensibles (85 %), beaucoup plus pauvres que la ville qui les englobe, où le pourcentage de moins de 20 ans atteint 35 à 40 % (25 % pour la France métropolitaine en moyenne), où la proportion de moins de 25 ans au chômage est forte, et où il ya eu paradoxalement la création de zones franches urbaines et d’importantes rénovations urbaines ; les premières ont sans doute créé une « frustation relative » et les secondes une déstabilisation des familles du fait des démolitions et des relogements. Ce sont surtout des quartiers où la proportion de grandes familles (6 personnes et plus) originaires d’Afrique noire est forte : « dès la deuxième semaine d’émeutes, dans l’Ouest notamment, une série de villes qui constituent les lieux d’installation de familles originaires d’Afrique noire ont connu des violences. »
Ces émeutes ont ainsi révélés les difficultés d’intégration d’une partie des jeunes issus d’Afrique noire, liées aux « conditions de migration et de sociabilisation » de leurs familles. Celles-ci conservent des modèles familiaux et éducatifs inadaptés au milieu urbain occidental : fratries nombreuses, tradition de séparation des sexes, polygamie et tensions entre co-épouses dans des appartements trop petits, poussent les garçons dans la rue où ils sont livrés à eux-mêmes, d’où aussi un échec scolaire important. « Dans le système traditionnel africain, tous les adultes interviennent. En France, ces enfants vivent une rupture entre le discours parental et les règles externes. » « Les parcours scolaires chaotiques des garçons d’origine subsaharienne témoignent aussi de la force des tensions intrafamiliales. »
« La rue constitue pour les garçons d’origine maghrébine et subsaharienne un espace de socialisation en commun. » « Grandissant dans des quartiers dans lesquels la concentration des familles maghrébines et africaines s’accentue, il n’est pas surprenant que se développe une sous-culture de classe d’âge qui débouche parfois sur des comportements déviants ou des confrontations avec la police. »

La carte des émeutes révèle donc un phénomène de ségrégation sociale et ethnique sur le territoire urbain, mais aussi un choc des cultures.

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Publié le 21 juillet 2006, dans politique et société, verbatim, et tagué , , , . Bookmarquez ce permalien. 3 Commentaires.

  1. ça m’a l’air très bien.
    Par ailleurs, bonnes vacances !

  2. Très bon billet assez instructif même si je partage pas les conclusions…
    Certes il existe un problème indéniable à la source mais faire croire que c’est uniquement ce choc des cultures qui en est à l’origine est extrémement réducteur et un peu malhonnete…
    On aurait tendance à croire une fois lu ce que vous relatez de ce raport que je n’ai pas lu que « c’est leur faute à eux » je résume volontairement juste pour dire NON ce n’est pas que ça…
    Je me suis attelé à la rédaction d’un livre qui raconte mon parcours en France sachant que j’ai grandis et étudié au Maroc et que je suis arrivé en France avec un niveau socio-économique et culturel qui m’aurait mis selon les thèse de ce livre à l’abri de problèmes d’intégrations… hé bien non !
    J’ai réussit à m’intégrer mais c’est tout de même extrémement difficile et tortueux.
    Je parle de la ségrégation par le logement… j’ai fais plusieurs demandes de logement HLM (entre 1989-1992) et il m’a semblé que le traitement des dossiers était dépendant de l’origine éthnique. Ce qui est assez grave comme accusation mais on ne peut pas le nier. Les choses ont elles changé ? Non ! il y a une double « difficulté » dans la problématique de l’intégration : une incompétence ou déficience d’un coté doublée d’une absence de volonté de l’autre…
    Incompétence ou déficience est à prendre au sens ou les familles issues de l’immigration ne maitrisent pas tout els codes de cette intégration et de l’autre coté on ne fait rien pour les mettre dans le bon chemin… celui de la réussite.
    En résumé si j’avais grandi ici j’aurais été fraiseur tourneur !
    Il y a en France très peu de médecins issue de l’immigration qui sont né et qui ont grandi en France… idem pour un certain nombre de professions : des mohamed notaire architectes etc.. makache bezeff !

  3. Cette étude ne dit pas que « c’est de leur faute à eux » mais souligne l’inadaptation du modèle familial africain qui constitue un obstacle à une bonne intégration par les modes de socialisation qu’il génère ; il pointe aussi des différences de socialisation selon le sexe ou selon la région d’origine. C’est l’approche géographique de cette étude qui permet cette analyse à des niveaux fins, comme le fait par exemple de pointer les quartiers où il y a eu des rénovations urbaines, ce qui au premier abord peut paraître paradoxal, mais qui permet de s’interroger sur les processus en œuvre. Cela permet aussi d’élargir le champ et de ne pas se cantonner aux facteurs économiques habituels. Si le terme « choc des cultures » choque on peut parler de fossé culturel (culturel au sens large du terme) ou de différence de modes de vie… Un bon exemple de choc des cultures, entre la France et le Japon, est parfaitement décrit dans le roman d’Amélie Nothomb Stupeurs et tremblements

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